Littérature étrangère

Nigel Nicolson

Portrait d’un mariage

illustration

Chronique de Bénédicte Cabane

Librairie des Danaïdes (Aix-les-Bains)

Portrait d’un mariage, écrit en 1973 et publié dans la foulée en France (mais inédit jusqu’à aujourd’hui en format poche), est le récit par Nigel Nicolson du mariage de ses parents, Vita Sackville-West et Harold Nicolson. Un récit singulier pour un mariage singulier. Récit singulier parce que, composé de cinq parties, deux sont en réalité écrites par Vita Sackville-West elle-même. Aucune instruction à sa mort en 1962 n’avait été donnée quant à la publication ou non de ses écrits intimes mais son fils avait alors supposé qu’elle avait couché tout cela sur le papier pour la postérité. Les autres parties sont des éclaircissements et compléments des événements donnés par le fils du couple. Mariage singulier parce qu’union de deux bisexuels, chacun allant régulièrement voir ailleurs (Vita a notamment eu une aventure avec Virginia Woolf) mais revenant toujours au bercail, sans que cela n’affecte leur relation, bien au contraire ! Mères, filles, sept générations, écrit en 2016 et publié dans la foulée en France, est le récit par Juliet Nicolson, la fille de Nigel Nicolson, de la vie des femmes de sa famille, de mères en filles, sur sept générations (et ainsi de la vie de sa grand-mère, Vita Sackville-West). Le passé n’est pas le seul à être fouillé, le présent l’est aussi (une partie du récit est autobiographique) ainsi que le futur (elle raconte ses filles et même sa petite-fille !). Elle scrute les erreurs, les secrets, les égarements, les combats… Pour tenter d’éviter que l’histoire ne se répète ? Sans le vouloir réellement, elle fait donc un peu de psychogénéalogie. Mais surtout, elle aborde les grandes questions du féminisme et de la maternité. Le tout est agrémenté par quelques photos exhumées des archives familiales. Il faut lire ces deux livres passionnants écrits à plus de quarante d’ans d’écart, qui scrutent sous des angles différents une même famille dont les femmes se débattent pour sortir de leur condition et gagner leur liberté (n’oublions pas que Vita Sackville-West se marie en 1913 et sa passion amoureuse tumultueuse avec Violet Trefusis peu d’années après est un scandale que les familles étouffent tant bien que mal). Cette famille semble exceptionnelle, produisant moult gens de lettres. Elle l’est surtout grâce aux talents de conteurs de Vita, Nigel et Juliet qui, au-delà de leur propre histoire familiale nous livrent une histoire universelle.

Les autres chroniques du libraire