Jeunesse

Yves Grevet

Nox

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photo libraire

Chronique de Alexia Sevoz

Librairie Charlemagne (La Seyne-sur-Mer)

Et si en grandissant, nos choix nous conduisaient à nous éloigner des gens que l’on aime ? C’est dans un paysage dystopique, où riches et pauvres sont séparés les uns des autres par un nuage opaque, qu’Yves Grevet s’applique à nous raconter les premiers pas d’adultes de ses héros. Lucen, Gerges, Jan et Maurce sont quatre amis inséparables vivant dans le monde d’en bas, un monde où l’électricité est générée par l’énergie humaine, où l’air n’est qu’à peine respirable et où tous les mots sont privés d’une lettre dans leur composition (symbole de leur infériorité). Ludmilla, elle, vit du côté des hauteurs, univers étrangement semblable au nôtre où évoluent les riches. Mais tous ces personnages sont parvenus à un moment charnière de leur vie, puisqu’ils sont sur le point de quitter l’enfance pour entrer dans l’âge adulte. Au sein de cet environnement, suggéré par la narration plus que réellement décrit, s’opèrent des rencontres, des croisements, des séparations entre les jeunes personnages. On est rapidement absorbé par l’intrigue. Au fil des mots et des phrases, le regard et les sens s’adaptent à l’obscurité du décor et à la saleté du monde du dessous. Les chapitres consacrés à Ludmilla pourraient offrir des bouffées d’oxygène, pourtant l’excessive sévérité de son père est comme une autre chape de plomb qui tombe sur le lecteur. Refusant de se limiter à un point de vue, Yves Grevet imagine trois versions différentes à son histoire. Lucen, Gerges et Ludmilla – les trois narrateurs – prennent chacun à leur tour des décisions qui les dépassent et les amènent à se rapprocher ou à se haïr. Chacun est en quête de réponses et d’identité. L’un par amour, l’autre par conviction, la dernière par fidélité à un être cher. L’enjeu commun de leurs aventures : l’avenir des relations entre les deux mondes… Ce roman initiatique, au rythme assez lent et cependant en proie à une tension constante, joue habilement des codes de l’anticipation et d’une réalité très proche de la nôtre. Dans ce premier volet, Yves Grevet installe les éléments du décor. On n’a qu’une envie, lire la suite de ce roman très attendu aux allures de prophétie sociale.

 

Lire aussi l'article de Frédérique Franco sur le tome 2 de Nox.