Grand livre sur le totalitarisme, le chef-d’œuvre d’Arthur Koestler paraît enfin dans la traduction française du manuscrit original publié en 2008, rédigé en 1940 en allemand par l’auteur.

Il aura donc fallu attendre quatre-vingts ans pour voir apparaître cette nouvelle édition française, après la découverte du manuscrit original en 2015. Un feuilleton littéraire inouï pour un texte qui ne l’est pas moins. Dans la veine d’Orwell, qui se dira profondément influencé par Koestler, notamment pour la rédaction de La Ferme des animaux, ce texte fait le portrait brutal et incisif des régimes totalitaires et des hommes qui y vivent. Et y survivent. C’est tout spécialement le portrait des grands procès staliniens qui est fait ici à travers l’histoire de ce Roubachov, ancien chef révolutionnaire déchu. Arrêté pour des faits imaginaires et mis en prison, il va subir des tortures physiques et morales ayant pour but de lui faire avouer des fautes qu’il n’a pas commises. Et c’est tout le mécanisme pervers et kafkaïen d’un système qui n’admet aucune contradiction qui s’abat sur ce personnage pitoyable. Système dont il fut pourtant un des plus illustres défenseurs. In fine, Arthur Koestler s’attache à nous montrer la tyrannie du collectif face à l’individu, broyé par la société et dissous en elle. Ce combat inégal, entre le supposé zéro de l’individu et l’infini du système totalitaire, nous saisit encore aujourd’hui par sa force et sa prescience. Écrit en 1940, en pleine Seconde Guerre mondiale et alors que l’auteur est enfermé dans un camp en France, suspecté d’être un agent étranger, Le Zéro et l’Infini sera ensuite publié, d’abord en Angleterre, au moment où cette dernière se trouve sous les bombardements et la menace d’un débarquement allemand, puis en France en 1946, quand débute déjà la guerre froide. C’est donc un destin incroyable qu’ont connu ce texte et son auteur, avant d’obtenir un succès phénoménal et de devenir un grand classique de la littérature politique et antitotalitaire.