Littérature française

Fabrice Humbert

Éden utopie

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photo libraire

Chronique de Bertrand Morizur

Librairie L'Arbre du Voyageur (Paris)

Fabrice Humbert sait délivrer un propos universel à partir de son expérience familiale. Il s’intéresse ici aux utopies qui ont marqué la deuxième moitié du XXe siècle et déploie une fresque romanesque bouleversante.

 

Il y a quelques années, L’Origine de la violence avait fait connaître Fabrice Humbert au public. Le narrateur y revenait sur l’histoire de sa famille paternelle. De lourds secrets lui étaient révélés alors qu’il menait une enquête sur son grand-père, dont on lui avait caché l’histoire. Qu’est-ce que la filiation ? Sur quelles bases construit-on sa personnalité ? Comment s’alimente cette rage tapie au fond de nous ? Et dans quelle vérité s’inscrit une histoire familiale ? Toutes ces questions reviennent en rafale dans Éden utopie, qui interroge le côté maternel de la famille de l’auteur. À la source de ce récit des origines, on trouve la construction d’un bâtiment communautaire à Clamart, la Fraternité, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Animée par des membres passionnés, cette communauté protestante est un lieu d’échanges et de transmission de valeurs humanistes et de belles utopies. Les générations suivantes offrent un tableau percutant de la France des années 1970 et 1980, ascension sociale pour les uns, dégradation économique pour les autres ; certains vont tenir les rênes du pouvoir quand d’autres connaîtront la prison pour avoir épousé la cause d’Action Directe… Ces destins imprévisibles sont évoqués par Fabrice Humbert, qui a recueilli les témoignages de différents membres de sa famille sans chercher à démêler le vrai du faux. Il les livre sans a priori, en conservant une position équivoque d’observateur. Bien que faisant intervenir en personnages secondaires Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn, son histoire nous est proche car elle renvoie à une société que l’on a tous connue, à des idéaux de jeunesse. Ce roman, qui joue avec les codes de l’autofiction, interroge ces vérités qui nous constituent, si rarement remises en cause.