Manuel Hirbec

Librairie La Buissonnière (Yvetot)

J’ai le bonheur de faire vivre depuis dix ans la Buissonnière, une librairie en milieu rural envisagée comme un chemin de campagne qui laisse libre cours à la découverte, à la curiosité, à l’étonnement et à la rencontre, qui donne à la lecture le plaisir d’une promenade ininterrompue, sans cesse réinventée.

Rencontre avec Manuel Hirbec de la librairie La Buissonnière à Yvetot.

PAGE - Comment et pourquoi êtes-vous devenu libraire ?
M.H. Un peu comme Obélix tombé dans la potion magique, j'ai avalé la graine de la lecture pendant mon enfance. Je dépensais en librairie presque tout l'argent de poche que j'avais la chance de recevoir. J'ai nourri cette graine pendant une bonne trentaine d'années. C'est le rayon de soleil d'une passion amoureuse qui l'a fait germer il y a dix ans pour faire éclore la fleur du libraire que je suis aujourd'hui.

Parlez-nous un peu de votre librairie et de votre équipe. 
M.H. Cette aventure et cette passion je les vis en compagnie de Betty Duval-Hubert, libraire depuis plus de 25 ans qui partage aussi ses coups de cœur avec Page des libraires. Nous faisons vivre ensemble la librairie La Buissonnière dans une ville de taille modeste, en milieu rural à Yvetot en Normandie, entre Rouen et Le Havre. C'est une librairie généraliste où « buissonner » est synonyme de flânerie, de découverte, de rencontre et d'échange, d'inattendu.

Racontez-nous une anecdote amusante avec un client. 
M.H. Le printemps dernier, un client nous annonce avec un sourire malicieux qu'il vient de voir entrer un bel écureuil roux dans la librairie. Je le sais lecteur de BD, amateur de Franquin. Je me dis qu'il a dû rêver un peu trop fort au Marsupilami. J'inspecte les coins et recoins de la librairie. Rien. Ni le jour-même, ni le lendemain. Pas d'odeur, pas de trace. Rien. C'est le surlendemain qu'on a trouvé l'animal accroché aux murs ! J'ai dû ressembler à Gaston Lagaffe multipliant les stratagèmes pour le faire sortir sans dommage dans un petit jardin attenant à la librairie. J'ai prévenu le client pour l'assurer qu'il n'avait pas halluciné !

Quel est le premier livre de votre bibliothèque que vous allez rouvrir? 
M.H. La bibliothèque c'est la réserve de noisettes de tout lecteur ! Celles que l'on garde en se disant que l'on s'en délectera un jour pour en connaître enfin le goût. J'ai lu avec émotion et bonheur Colline de Jean Giono, dans une édition du Livre de Poche de 1969 qui avait appartenu à nos grands-parents, nés au début du XXe siècle et qui avaient surmonté tant d'épreuves avant nous. C'est aussi cela que porte un livre papier quand il passe de main en main : un témoignage, une transmission, un héritage, une histoire de lecteur à lecteur.

Quel serait le conseil que vous aimeriez donner à nos lecteurs pour ces périodes de confinement ? 
M.H. Lire et relire ce que l'on a sous la main. Glisser entre les pages un petit mot de sa lecture dans chaque livre, pour s'en souvenir ou pour en témoigner à qui l'ouvrira un jour. Dire l'importance de ce livre et de l'avoir lu à ce moment. Établir une liste des livres qu'on aurait aimé avoir à disposition en cette période pour les acquérir ensuite, en toute sécurité, quand il sera temps, dans une librairie de proximité. Rien ne presse. L'écureuil attend bien la bonne saison pour récolter ses plus belles noisettes : « en septembre elles sont bonnes à prendre », chante le dicton ! Écoutons-le !