Littérature française

Les loseurs magnifiques

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photo libraire

Par Muriel Balay

Quelle agréable perspective que la lecture d'un roman de Fabrice Caro par une belle journée ensoleillée ! Le printemps nous a gâtés de deux parutions simultanées qui sont tout aussi drôles, folles, enchantées et mélancoliques l'une que l'autre.

Lire Fabrice Caro, c'est comme retrouver un vieux pote à travers son personnage. Qu'il s'appelle Adrien, Axel ou bien Alan ne nous y trompons pas : c'est bien de la même personne qu'il s'agit. Un double exagéré de l'auteur que l'on a l'impression de connaître. Une sorte de loseur magnifique tellement attachant. On est heureux et on attend avec impatience qu'il nous livre ses improbables réflexions. C'est comme un appel téléphonique pour nous dire : « Tu sais pas ce qui m'est arrivé ! ». Eh bien non et on a hâte de le savoir ! Dans le dernier opus en date, Samouraï, il s'est glissé dans la peau d'un écrivain auquel sa dernière compagne a suggéré d'écrire un livre sérieux, avant de le quitter pour un spécialiste de Ronsard. Une fois encore le sujet importe peu, même si le chanceux lecteur aura le plaisir de faire la connaissance de la notonecte et d'une piscine verdâtre. Le décor posé, nous voyageons dans la tête d’Alan avec ses pensées, ses doutes et toutes sortes de digressions dont l'auteur a le secret. L'écrivain (mais lequel ?) observe avec distance et humour les faits et gestes de ses contemporains : les parents débordés, le théâtre intello, les vendeurs des magasins de bricolage, les amateurs de fitness, les apéros dînatoires. Il n'y a aucune méchanceté ou ironie dans ses appréciations mais plutôt une douce indifférence. Alan (tout comme ses alter egos) admet que « sa vie n'est régie que par l'enthousiasme des autres ». Et c'est bien à un enthousiasme débordant que va se heurter Axel dans Broadway lors d'une idée lancée par un de ses amis : « Si on allait faire du paddle à Biarritz ? ». À cette perspective alléchante va s'ajouter une menace sournoise sous la forme d'une petite enveloppe bleue. Il n'en faut pas plus pour que l'imagination tragi-comique de notre héros se mette en marche. Sa vie est jalonnée de contraintes sociales auxquelles il a du mal à faire face. Les personnages de Fabrice Caro sont avant tout en inadéquation avec ce que la société et les convenances attendent d'eux. Et c'est en cela qu'ils nous font du bien. Il serait surprenant que vous n'ayez pas un sourire entendu à certaines situations. Cette drôlerie absurde et facétieuse cache également une grande mélancolie et souvent le narrateur s'interroge sur le chemin parcouru et comment il en est arrivé là. Ou comment passer d'apéros débridés à des soirées raclettes « sympa comme tout ». Fabrice Caro aime les gens qui doutent et ça nous le rend extrêmement sympathique.