Littérature étrangère

Amy Waldman

Un concours de circonstances

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photo libraire

Chronique de Jean-Pierre Agasse

Librairie Actes Sud (Arles)

Un concours de circonstances présente 
une formidable galerie de portraits de 
l’Amérique d’aujourd’hui et apporte 
un regard sur la décennie qui vient de 
s’écouler. Un livre politique qui n’oublie 
pas la littérature.


Imaginer les suites du 11 septembre 2001 aux États-Unis, voilà ce que nombre d’écrivains ont essayé de faire. Mais parfois, la réalité rattrape la fiction. La polémique déclenchée par la construction d’une mosquée dans les parages de Ground Zero donne une couleur différente à cette fiction. Amy Waldman faisait ses premiers pas en tant que romancière quand, en 2007, éclata cette controverse. Mais son roman dépasse la simple actualité. Des critiques ont comparé son livre au Bûcher des vanités de Tom Wolfe. L’auteure est journaliste et a travaillé pour le New-York Times en tant que rédactrice en chef du bureau Asie du Sud-Est, puis elle a été correspondante à New Delhi et a couvert les événements du 11 septembre et la guerre en Afghanistan. C’est dire si elle maîtrise l’information et sait faire comprendre une situation. Amy Waldman combine les qualités journalistiques à la science narrative : elle a l’art de raconter une bonne histoire avec rythme et suspense.


Quelques années après l’effondrement des Twin Towers, un jury se réunit pour choisir un projet de mémorial afin de rendre hommage aux victimes. Le vainqueur du concours est un musulman, l’architecte Mohammad Khan. La polémique enfle, l’Amérique se déchire. Les familles endeuillées, les journalistes, les jurés, tous réagissent avec violence et passion. Certains crient à l’outrage, d’autres en appellent à la liberté. Les jurés eux-mêmes sont écartelés. L’auteure décortique le contexte historique avec sensibilité et profondeur ; comme le dit l’un des personnages : « C’était trop tôt pour un mémorial, le site venait à peine d’être déblayé. Le pays n’avait pas encore gagné ni perdu la guerre, d’ailleurs on ne savait même pas contre qui ou quoi on se battait. Mais tout allait plus vite désormais – la création et la destruction des idoles ; la propagation des maladies, des rumeurs et des modes ; l’information ; le développement de nouveaux outils monétaires… » La littérature a besoin de temps pour s’approprier l’actualité, de même que l’homme a besoin de temps et de recul pour porter un regard apaisé sur ce qui l’a blessé.