Polar

Michael Connelly

Le Poète

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photo libraire

Chronique de Roman Jourdy

Librairie L'Intranquille (Besançon)

Alors que paraît Séquences mortelles, les éditions Calmann-Lévy rééditent Le Poète, roman culte de Michael Connelly publié il y a vingt-cinq ans et premier volume d’une série consacrée au journaliste Jack McEvoy. Au rayon poche, Nuit sombre et sacrée réunit pour la première fois les enquêteurs Harry Bosch et Renée Ballard.

Lorsque paraît Le Poète en 1996, aux États-Unis, Michael Connelly n’en est pas à son coup d’essai. Quatre livres mettant en scène son inspecteur Harry Bosch ont déjà été publiés et l’auteur connaît un succès grandissant. Chaque roman se vendant mieux que le précédent, il décide d’abandonner son métier de journaliste pour se consacrer à l’écriture de polars. La transition se fera avec Le Poète. En choisissant un personnage journaliste plutôt que flic (Jack McEvoy), Connelly fait ses adieux à sa première profession et écrit le roman qui le rendra célèbre. Joyau noir du genre policier, Le Poète raconte l’histoire d’un homme qui refuse de croire au suicide de son frère. Il rejette les conclusions de la police et s’efforce de convaincre son entourage que la scène du crime a été maquillée. C’est le point de départ d’une enquête vertigineuse hantée par la poésie d’Edgar Poe, où plusieurs scènes combinent avec talent le désir et l’effroi.

Dans Séquences mortelles, publié presque vingt-cinq ans plus tard, Jack McEvoy travaille pour le site Fair Warning qui propose à ses lecteurs « des enquêtes exhaustives pour défendre le consommateur ». Il remonte la piste d’une série de crimes à première vue sans rapport mais qui semblent être l’œuvre d’un seul maniaque. Le lien : des échantillons d’ADN donnés volontairement par des citoyens, analysés en laboratoire, revendus à des entreprises… et piratés par un individu qui les utilise pour traquer ses proies. Il les suit, les séduit… et leur brise le cou. Si le tueur de Séquence mortelles ne possède peut-être pas la même aura malsaine que celui du Poète, l’essentiel est ailleurs : dans les préoccupations liées aux avancées technologiques et au partage des nos données personnelles. Une investigation effrénée qui confrontera le héros à son obsession pour le scoop… au risque de compromettre sa propre morale.

Nuit sombre et sacrée voit la vieille école (Harry Bosch) et la nouvelle génération (Renée Ballard) s’épauler pour résoudre un cold case à Los Angeles, « vaste tapis scintillant ». Si une grande partie de ce roman décrit plusieurs enquêtes indépendantes avec un réalisme quasi-documentaire, il sen extrait néanmoins un fil rouge : une jeune femme dont le cadavre a été nettoyé à la Javel et abandonné dans une benne à ordures. Tandis qu’un homme vadrouille dans les rues d’Hollywood en se prenant pour Jean le Baptiste, Ballard et Bosch trient des fiches d’interpellation vieilles de dix ans à la recherche de l’information qui les aidera à résoudre un crime impuni. Les nuits blanches se succèdent, remplies de drames comme de préoccupations plus ordinaires : par exemple la persistance de l’odeur de la mort sur les vêtements des policiers. Un roman ambitieux où l’empathie et la répulsion avancent main dans la main.

Lire Michael Connelly, c’est pénétrer dans un univers de plus de trente romans connectés les uns aux autres dans lesquels les héros s’efforcent de déchiffrer un quotidien depuis longtemps détraqué.

 

*Edgar Poe, Le Corbeau, traduction de Charles Baudelaire.