Bande dessinée

François Ayroles

Une affaire de caractères

illustration
photo libraire

Chronique de Élodie Raymond

Librairie Charlemagne (Toulon)

Une affaire de caractères, la nouvelle BD de François Ayroles, brosse l’étonnant portrait d’une cité au sein de laquelle s’enchaînent aventures loufoques et situations étranges. L’auteur prouve encore une fois que la langue française n’a aucun secret pour lui.

Avec Une affaire de caractères, François Ayroles nous entraîne au cœur de Bibelosse, petite cité bizarre où tous les styles littéraires se croisent et s’affrontent. Les habitants de cette cité sont tous libraires, imprimeurs, écrivains ou tout simplement amoureux des lettres. Chacun d’entre eux possèdent des caractéristiques bien spéciales, mais toujours en rapport avec la langue française. En effet, certains mélangent les lettres ou ne s’expriment qu’en rimes, tandis que d’autres n’utilisent que les voyelles. C’est dans cette fabuleuse cité que Ramon Hache doit effectuer une livraison. Mais rien ne se passe comme prévu. Donald Fraser, figure emblématique de Bibelosse et principal créateur de la cité, est retrouvé pendu au fond d’un puits. Meurtre ou suicide ? L’enquête démarre. Elle est menée par l’inspecteur Edgar Sandé, bien décidé à élucider l’affaire. Il interroge les habitants de la ville et recherche des éléments susceptibles de percer le mystère. Puis d’autres meurtres sont commis et l’inspecteur découvre l’arme du crime : une hache. Se pourrait-il que le livreur Ramon Hache soit le criminel ? Ou est-ce l’un des habitants de la foutraque bourgade ? Les avis sont partagés et il est difficile pour l’inspecteur de cerner ces intellectuels aux caractères bien trempés. Il se perd entre jeux de mots, acrobatie syntaxiques et déferlement de quiproquos. Tout au long de l’enquête s’entremêlent accords et désaccords. Aucun doute possible : Bibelosse et ses curieux habitants valent le détour ! François Ayroles maîtrise avec talent la langue française et ses richesses. Il dompte avec force et finesse les mots et les lettres. Il est d’ailleurs un membre actif de l’OuBaPo, un comité qui invente des bandes dessinées sous contraintes artistiques à la manière de l’OuLiPo, lancé par Raymond Queneau. Pour son nouveau titre, l’auteur mélange exercices de style et contraintes littéraires pour le plus grand bonheur du lecteur. Contraintes qui, par leurs difficultés même, requièrent des trésors d’imagination. À chaque planche son jeu de mots et une nouvelle expérience linguistique. La qualité du texte est également soutenue par le dessin et les bulles. Aéré et précis, le trait donne toute son importance aux attitudes et aux caractères des personnages. C’est après une relecture que nous pouvons savourer toutes les subtilités et les sens cachés de cette bande dessinée. Entrons par la lettre A dans le dessin, sortons du texte par la lettre Z ; et découvrons donc cet ouvrage porté par un amoureux des lettres, et bercé par la fluidité et le rythme de l’alphabet.