Littérature française

Éric Vuillard

Tristesse de la terre

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photo libraire

Chronique de Alexandra Romaniw

Librairie L'Atelier (Paris)

William Frederick Cody, dit Buffalo Bill, né en 1846, mort en 1917, a créé le Wild West Show, incroyable spectacle mettant en scène la conquête de l’Ouest. Éric Vuillard, dans Tristesse de la terre, propose une histoire de Buffalo Bill.

Buffalo Bill a inventé le reality show. Avec son Wild West Show, il se déplace partout en Amérique et en Europe, emmenant ses acteurs, ses chevaux, ses tentes, et surtout, de vrais Indiens. Il recrée la conquête de l’Ouest pour le bonheur de tous, fait sensation et gagne beaucoup d’argent. Sa réputation est mondiale. En douze chapitres assez courts, Éric Vuillard démonte l’Histoire et la reconstruit grâce à son regard acerbe et critique, permettant ainsi au lecteur de voir cette histoire sous un autre angle, et de comprendre combien notre société est faite de spectacle permanent, l’Histoire elle-même étant un spectacle. « Le spectacle est l’origine du monde. », ainsi commence Tristesse de la terre. Voilà tout le « tragique » du propos, c’est semble-t-il le postulat de départ. Cela tient jusqu’au bout. Des photographies viennent attester cette autre vérité, et comme nous dire « Regardez, regardez bien ces gens, vous voyez comme moi, cette tragédie, n’est-ce pas triste ? » Car oui, c’est triste, Buffalo Bill et sa troupe rejouant la bataille de Little Big Horn, celle de Wounded Knee, Buffalo Bill inventant le cri des Sioux. Ce qui est remarquable dans ce récit, c’est la volonté permanente de Vuillard de remettre en place cette histoire, de retrouver les bons termes pour mieux la redéfinir : la bataille redevient le massacre, les indiens sont bien des rescapés. Vuillard termine ainsi un chapitre : « C’est une version du massacre revue et corrigée (…). C’est une version pour nos livres de classe. » Tristesse de la terre est un livre violent car il dénonce un mensonge, dévoile la vérité cachée d’une triste réalité.