Littérature française

Nina Bouraoui

Tous les hommes désirent naturellement savoir

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photo libraire

Chronique de Delphine Saintemarie

Librairie La Librairie du Poussin (Itteville)

Un roman qui nous plonge au cœur de l’enfance et des souvenirs de l’auteure mais aussi de sa quête d’identité. Sans aucun doute le plus personnel et le plus percutant des romans de Nina Bouraoui.

Difficile de parler de ce livre sans en dévoiler l’essence et la composition. Tout se mêle, s’entremêle : les souvenirs, le savoir, le devenir et l’être. C’est aussi une histoire avec l’écriture devenue un refuge essentiel à l’équilibre de l’auteure. Ce roman nous fait voyager entre l’Algérie et la France, selon le rythme des souvenirs couchés sur le papier. On navigue entre différentes années avec une fluidité déconcertante. L’histoire personnelle se mélange parfois avec la grande, ce qui la rend d’autant plus intéressante. C’est le récit d’une petite fille qui nous fait partager des fragments de son enfance en Algérie, du climat qui y règne, de la prise de conscience de son identité, de la place importante qu’occupe sa mère avec qui elle a une relation fusionnelle. C’est tenter d’expliquer avec des mots d’adulte les images camouflées de l’enfance. C’est l’histoire d’une jeune femme qui ose devenir celle qu’elle est, dans une France où l’homosexualité ne s’affiche pas ou peu en dehors des clubs. Ce sont ces soirées au Kat où l’on cherche des réponses au questionnement de l’être, un endroit où l’on peut être soi-même sans éprouver une quelconque honte. Mais aussi l’expérience des premiers émois, la première histoire et le premier chagrin d’amour sans amour réciproque. De souvenirs en souvenirs, on ressent une certaine urgence pour l’auteure à écrire les sensations, les images, les questions et les quelques réponses trouvées. Les dernières pages sont percutantes, remplies d’une sensibilité quasi poétique, une ode à l’espérance. Une musique est citée au milieu des pages et je pense qu’elle résume parfaitement l’ambiance de ce roman : écoutez donc « Breakfast in America » de Supertramp au lever de rideau ! « Tous les hommes désirent naturellement savoir », selon Aristote. Je rajouterais que Nina Bouraoui a su mettre sa quête de savoir au profit du désir que l’on peut éprouver envers l’autre. Peut-être ce roman vous aiguillera-t-il dans vos réflexions intérieures ?