Polar

Doa

Pukhtu Primo

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photo libraire

Chronique de Julien Daylies

Librairie Fontaine Lubéron (Apt)

Sous les apparences d’un roman guerrier, DOA persévère dans son exploration des citoyens clandestins. Pukhtu Primo dépasse largement les frontières du simple roman de genre. Certainement roman noir, plus sûrement grand roman.

Sher Ali Khan Zadran, moudjahidin respecté et respectable, tente de protéger sa famille, surtout son fils aîné et, secrètement, sa dernière fille qu’il adore envers et contre tous les codes de la société afghane. Il louvoie dans un contexte de plus en plus tendu où son appui est recherché par les différentes factions en ébullition depuis l’intervention américaine. À la suite d’une attaque éclair d’un commando piloté par les américains, ou plus précisément par la CIA, Sher Ali perd son fils et sa fille. Le vieux lion entreprend de laisser libre cours à sa rage, de retrouver son honneur perdu et d’embrasser toutes les causes, même les plus terribles. DOA compose un grand roman, encore une fois. L’intrigue initiale, presque simple, se morcelle en autant de personnages que de trames qui se lient pour mieux s’éloigner l’une de l’autre afin d’éclairer les enjeux et les mécanismes parfois les plus sombres d’un conflit lointain, mais aussi terriblement proche. Pourtant la narration ne perd jamais son lecteur. Travaillant à épurer et à affiner son style, DOA parvient avec Pukhtu Primo à écrire le livre de ce début de siècle bouillonnant, anarchique, dangereux et malgré tout humain. À travers chacun de ses personnages, DOA explore les divers aspects des conflits qui secouent l’Asie centrale et leurs répercussions sur l’Occident. La force du roman réside dans son ancrage très concret à la réalité contemporaine. Sa clarté, la fluidité du style et de l’intrigue offrent au lecteur une compréhension plus humaine, mais aussi plus profonde des coulisses du monde. L’intrigue de Pukhtu Primo repose sur la foisonnante galerie de personnages qu’il met en scène. Chacune de leur action, chacun de leur dialogue, entrent en résonance. Depuis Neil Sheehan, on sait que les États-Unis ont perdu leur innocence. Avec Michael Barry on a compris que l’Afghanistan est le pays de l’insolence. DOA opère une synthèse entre ces deux auteurs dans un roman noir exceptionnel. Universel.