Essais

Jeremy Rifkin

La Troisième révolution industrielle

illustration
photo libraire

Chronique de Florian Gaité

Pigiste ()

Dans son dernier essai, l’influent Jeremy Rifkin milite pour le passage à une ère postcarbonique, qui seule peut conjurer la catastrophe écolo-économique. Un ouvrage destiné à faire date et, plus encore, à construire l’époque.

Avec La Troisième Révolution industrielle, suite de Une nouvelle conscience pour un monde en crise, l’économiste américain Jeremy Rifkin contribue à établir un programme de transition vers un nouvel âge de la civilisation, écologique et coopératif. Ce travail universitaire entamé depuis les années 1990 s’attache à proposer une restructuration profonde du système mondial d’échanges et de consommation au cours des décennies à venir. Ce bouleversement, rendu possible par la conjonction entre la transformation des moyens de communication (Internet) et le recours à de nouvelles énergies (renouvelables), est pour l’auteur la seule réponse à l’épuisement des énergies fossiles, au pic de financiarisation et au remboursement des dettes que les précédentes révolutions industrielles ont légués à la planète. Constitué de cinq « piliers », le logiciel de Rifkin est une proposition forte en faveur d’une écologie politique. En quoi ces cinq piliers consistent-ils ? Le tout renouvelable, faire en sorte que chaque bâtiment produise sa propre énergie, recours à l’hydrogène pour stocker celle-ci, création d’un réseau de partage énergétique sur le modèle d’Internet, passage aux véhicules électriques. En la matière, l’économiste fait moins confiance au gouvernement de Barack Obama (pro-nucléaire, misant sur le pétrole, encourageant la mondialisation) qu’à la bonne volonté européenne. Le monde qu’il promeut est celui d’un « capitalisme distribué » et d’un « pouvoir latéral » qui rompt avec les élites énergétiques, les clivages politiques et la centralisation des richesses ; à l’image des « continentalisations » émergentes (ASEAN ou Union Sud-Américaine). Repensant Adam Smith, la notion de propriété et le projet pédagogique, Rifkin plaide pour une conscience biosphérique (E. O. Wilson) et empathique, inspiré par une anthropologie du partage raisonné. Prospectif, sinon visionnaire, ce riche essai de science de l’humanité ne laisse finalement qu’une question en suspens : saurons-nous nous mobiliser à temps ?