Littérature française

Patrick Chamoiseau

Frères migrants

photo libraire

Chronique de Marion Hanriot

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Dans un très beau livre aussi poétique que politique, Patrick Chamoiseau nous invite à nous réveiller. Une « lance d’alerte » à notre humanité morbide.

Pour Patrick Chamoiseau, ce qui se joue dans le drame des migrants est un risque pour l’humanité. Non pas parce que le nombre de corps repêchés dans la Méditerranée est un drame humanitaire au sens numéraire, mais parce qu’à chaque homme, femme, enfant, qui meurt en mer, c’est une part du monde des possibles qui n’adviendra pas. Notre monde est devenu un grand magasin de « prêt-à-porter d’une précarité légalisée obligatoire ». Et le poète l’affirme, la barbarie aujourd’hui n’est pas dans la menace de l’étranger, elle est devenue un des piliers de notre système mondialisé, où l’argent, le toujours plus d’argent, de biens, de services est l’unique moteur de la ronde humaine, et autorise tous les comportements. C’est pourquoi il évoque le concept de mondialité (versus mondialisation), élaboré par Édouard Glissant : la mondialité « c’est l’inattendu humain » avec la conviction que « rien ne s’est fondé dans l’immobile et dans le fixe. » À la lumière de cette réflexion profonde, l’axe de la menace s’inverse, ce n’est pas l’Autre qui met notre vie en danger, mais nous-mêmes, car rejeter l’autre, c’est céder à la peur mortifère, au rejet de la vie. Ne l’oublions pas, « Il y a du Trump en chacun de nous. »

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