Beaux livres

A comme artisan, architecte

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✒ Isabelle Aurousseau-Couriol

(Librairie de Paris Saint-Étienne)

En cette fin d’année, les Éditions du patrimoine nous offrent d’observer le monde de l’architecture de différentes manières. Elles nous font voyager du Moyen Âge au XXe siècle en nous permettant de découvrir un patrimoine parfois méconnu et pas toujours accessible au grand public.

L’incendie de Notre-Dame de Paris a mis au jour la fragilité des bâtiments historiques et la nécessité de les sécuriser. Pour cette raison, la Médiathèque du Patrimoine et de la Photographie a décidé de conserver des images des combles des cathédrales avant toute modification. Ce sont uniquement les quatre-vingt-sept cathédrales de toutes les régions de France, classées comme monuments historiques et propriétés de l’État, qui sont concernées par ce travail. Avec Charpentes et combles dans l’œil de huit photographes, les éditions du patrimoine nous permettent de visiter ces lieux protégés. Thomas Jorion, Xavier Spertini, Clément Guillaume, Alexis Paoli, François Lauginie, Patrick Tourneboeuf, Laurent Kruszyk et Pascal Lemaître sont les huit photographes choisis pour réaliser pour chaque lieu un reportage strictement documentaire (avec toutefois quelques photographies plus personnelles relevant des traces humaines, graffitis, dates et marques de charpentiers…). Que ces combles soient en bois, métal, brique, pierre, aucun ne se ressemble (proche de la chaumière pour l’un, carène de bateau inversé pour l’autre, forêt de poutrelles métalliques jaillissant du sol pour un autre encore). C’est à un époustouflant périple sous les toits des cathédrales que nous convie ce livre aux photos incroyables, nous permettant d’en devenir un explorateur privilégié.

Lorsque le nom de Charles Garnier est évoqué, nous pensons immédiatement à l’Opéra de Paris, ce lieu mythique où nombre de petits rats ont rêvé de défiler et de danser, où les chanteurs lyriques d’hier et d’aujourd’hui ont foulé et foulent encore ses planches. Pour le 150e anniversaire de ce bâtiment, Gérard Fontaine, l’auteur de Charles Garnier, Un architecte libre, nous donne la possibilité de partir à la rencontre de cette personnalité hors du commun. Il est vrai que cette construction a quelque peu éclipsé le reste de son travail et pourtant. Né à Paris en 1825, prix de Rome, il réalise quelques immeubles avant de gagner le concours pour la construction d’une nouvelle salle d’opéra à Paris. Treize ans de travaux pendant lesquelles Garnier donnera corps à un espace révolutionnaire, décorant les escaliers de marbres, de mosaïques, ornant façades et intérieurs de dorures, de sculptures, utilisant les dernières techniques comme celle de la construction métallique, multipliant les lumières pour mettre en valeur ce joyau destiné à l’art lyrique. Dans les décennies suivantes, il construira quelques immeubles pour la famille Hachette mais aussi pour le Cercle de la Librairie. Sa pertinence dans les détails pratiques en fait un décorateur recherché. Il se fait construire une villa incroyable pour son usage personnel à Bordighera, participe à l’exposition universelle de 1889, est sollicité pour la construction de l’observatoire de Nice. Un architecte unique, s’intéressant aux nouvelles technologies, à l’urbanisme et aux nouvelles contraintes urbaines, à découvrir sans tarder.

Tout promeneur sur la place Antonin Poncet, proche de la place Bellecour à Lyon, n’a pu passer sans voir le grand immeuble de La Poste conçu par Roux-Spitz. Partons maintenant à la rencontre de cet architecte plus contemporain, grâce à Philippe Dufieux et son Michel Roux-Spitz, L’autre moderne. Né à Lyon à la fin du XIXe siècle, il est le fils de l’architecte Michel-Augustin Roux. Élève de Tony Garnier, il suivra les cours des Beaux-Arts de Paris avant de partir pour Rome dont il a remporté le Grand Prix en 1920. Se partageant entre province et capitale, souvent critiqué pour son classicisme, il représente pourtant la troisième voie pendant l’entre-deux-guerres, entre les architectes Auguste Perret et Le Corbusier. Son nom est associé aux PTT dont il sera un des architectes référents à Paris comme à Lyon. Dès 1932, il devient l’architecte en chef de la Bibliothèque nationale, réalisant quelques extensions ainsi que le dépôt annexe de Versailles. Ses immeubles aux bow-windows sont sa marque de fabrique. Il participe, après la Seconde Guerre mondiale, à de nombreux chantiers de reconstruction, en particulier en Loire Inférieure, à Nantes et à Saint-Nazaire. Du canal de Suez à Dinard où il a construit sa villa, à Lyon comme à Paris, il sera cet artiste « moderniste, classique, fonctionnaliste, rationaliste ».