Bande dessinée

Voilà Maggy !

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Par Guillaume Boutreux

Librairie M'Lire (Laval)

Bien loin des explosions aveuglantes et des aventures rocambolesques des thrillers hollywoodiens, Maggy Garrisson est un petit bout de femme pleine de malice et d’astuce, qui dénoue des intrigues dans une Angleterre un peu triste.

Du héros invincible au méchant le plus vil, du détective malin comme un singe au cambrioleur séducteur, en passant par l’acolyte fidèle jusqu’à la mort, ou à la femme aussi fatale que vénéneuse, nombre de personnages issus de la bande dessinée (comme du polar d’ailleurs) tiennent une place de choix dans nos imaginaires. Et même si, depuis pas si longtemps, la bande dessinée (comme le polar d’ailleurs) a su sortir ses personnages de l’ornière du manichéisme et de la caricature, rares sont ceux alliant la consistance à l’empathie d’une Maggy Garrisson. Alors bien sûr, Maggy n’a pas le physique d’une héroïne envoûtante, ni la magnanimité d’une sainte. Elle a même plutôt tendance à ronchonner, Maggy. Il faut dire qu’entre sa situation familiale, un parcours professionnel chaotique (petits boulots enchaînés pour éviter la dèche jusqu’à un poste de secrétaire de détective privé), et une vie sentimentale bien plate (histoire d’un soir sur histoire d’un soir), le tout sous la pluie persistante qui s’abat sur le Londres populaire, Maggy n’a guère de raison de hurler son bonheur (sauf peut-être après quelques pintes). Mais elle ne s’apitoie pas sur son sort (même si elle ne porte en haute estime, ni la vie ni ses congénères), Maggy est trop lucide pour ça. C’est sûr qu’elle en a dans la caboche. Curieuse et débrouillarde avec ça. La place de secrétaire auprès de ce vieux détective alcoolo d’Anthony Wright n’est d’ailleurs pas pour lui déplaire. Ça lui va même plutôt bien de résoudre les affaires qu’elle dégotte après l’« accident » de son patron. Et c’est avec brio qu’elle « retrouve » le canari de la voisine, bouche le trou dans la caisse d’une librairie, ou découvre où disparaissent les dents en or de quelques cadavres incinérés. Le problème, c’est que sa curiosité et ses problèmes financiers vont la mener sur des voies qu’il vaudrait mieux éviter d’emprunter. Derrière cette fort attachante Maggy, il y a tout d’abord l’incontournable Lewis Trondheim, qui, outre ses Carnets (l’Association), sa saga Ralph Azham (Dupuis) après l’aventure Donjon (Delcourt), ou bien encore le récent Infinity 8 (Rue de Sèvres), n’en finit plus d’étoffer une bibliographie des plus riches. Avec un cycle en trois tomes, Trondheim ajoute une autre pièce majeure à son œuvre. D’autant plus que Stéphane Oiry, au dessin et à la couleur, et que l’on avait déjà vu officier dans l’aventure Capsule cosmique ou dans les nouvelles aventures des Pieds Nickelés (Delcourt), sert ici parfaitement l’histoire de Maggy. Et on se plaît à imaginer pour Maggy Garrisson une postérité telle que celle des Pieds Nickelés. Mais souhaitons-lui déjà de nouvelles belles aventures. Elle l’aura bien mérité.