Originaire du Sénégal, l’auteur-slameur s’inspire de sa vie, celle d’un môme arraché à son pays natal pour une vie à Sarcelles. Bien que ces deux romans ne s'adressent pas à un public du même âge, ils partagent nombre de sujets communs, tels que la violence dans les rapports du quotidien (harcèlement scolaire, discriminations et racisme manifeste), l’éducation et la place (envahissante !) de la figure maternelle et enfin le bien-être par l'écriture. Ainsi, dans Qui tire le premier, Omar vit dans un quartier de cette ville. Au collège, les brimades sont légion et attristent son quotidien. Quand la professeure principale annonce une participation de sa classe à un tournoi de football, Omar se demande bien quelle mouche l’a piquée ! Car excepté lui et la terrible Jeanne, l’auteure des brimades, les élèves de cette classe détestée du collège sont nuls au foot ! Omar voit dans ce projet la pire occasion de se faire encore moquer et de devenir la honte de Sarcelles ! Alors, pour digérer le truc et s’apaiser, Omar noircit ses carnets de textes et poèmes. Et puis, qui sait, la vie réserve parfois de belles surprises ! Dans Ma Vie sur une jambe, Insa Sané renoue, avec plus d’ampleur et de profondeur, avec l’écriture cathartique, échappatoire à une destinée semée de vexations et d’embûches. Ici le double de l’auteur se fait appeler Habondi et se raconte à la psy Karoleen. Comme il a parfois du mal à parler de lui, de son manque de goût pour la vie, il raconte en parallèle l’histoire de Pape. Le roman alterne ainsi ingénieusement les récits d’Habondi et de Pape. Oui, il est plus facile pour Habondi de raconter Pape, homme mûr, père de famille séparé, hésitant à engager une relation avec la jolie Farrah qui en pince pour lui. De raconter avec des mots élégants combien il aime ses enfants et s’en occupe, faisant chaque jour de son mieux. Jusqu’à l’accident, une banale chute d’un tabouret qui le mène à l’hôpital, entre la vie et la mort. C’est moins douloureux pour lui que de décrire sa destinée enfantine : la naissance en Casamance au Sénégal, le départ de son père sans explication, alors que lui-même vient d’échapper à la mort suite à une infection lui laissant une jambe atrophiée à vie. Plus tard, malgré son arrivée en France et après une intégration difficile, il lui restera ce goût amer :  « Depuis ma tendre enfance, la plupart des gens que j’aime finissent par me quitter en ne me laissant qu'une photo en guise d’adieu », lâche-t-il à Kateleen. Les ados seront sans aucun doute séduits par ce roman juste, lucide sur le handicap et les traumas des parcours chaotiques. Un roman néanmoins réconfortant à bien des égards. Le réconfort, selon Insa Sané, c’est l’amitié, l’amour maternel et l’amour tout court. Mention spéciale aux insertions, textes de chansons ou poèmes qui éclairent le roman de mots plus merveilleux encore.