Bande dessinée

Double bulles d’art

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Par Claire Rémy

En cette fin d’année, les éditions Steinkis mettent à l’honneur deux artistes américaines aussi atypiques que remarquables : la peintre Georgia O’Keeffe et la photographe Vivian Maier. À travers deux approches bien différentes, un couple d’auteurs italiens et une autrice française redonnent vie à ces deux femmes comme souvent trop peu reconnues.

Sous les mots et les traits de Luca de Santis et Sara Colaone, Georgia O’Keeffe apparaît comme une femme aux multiples facettes. À travers des moments clés de sa biographie, présentés par ordre chronologique, on assiste à ses débuts à l’Art Student League en 1907 puis à ses années en tant que professeure d’art au Columbia College en Caroline du Sud, école dont elle se fera renvoyer pour ses méthodes peu orthodoxes. Par l’intermédiaire de son amie Anita Pollitzer, militante qui initiera Georgia aux théories féministes qu’elle voyait d’un mauvais œil, elle fait en 1915 la rencontre qui changera sa vie en la personne d’Alfred Stieglitz. De 23 ans sa cadette, elle deviendra d’abord sa muse, sous l’œil de son appareil photo, mais il sera également son plus fidèle soutien dans le développement de ses propres œuvres. Bien qu’il la trompera allègrement, notamment avec la jeune photographe Dorothy Norman (dont Georgia se vengea savoureusement à la mort de Stieglitz), elle lui restera fidèle car il sera celui qui la poussera à s’exprimer artistiquement, à une époque où les femmes étaient plutôt modèles que créatrices. Ces scènes biographiques sont entrecoupées de dialogues de l’artiste avec une créature à crâne de chèvre, symbole de sa conscience qui nous dévoile ses tourments sous son apparente intransigeance. Georgia O’Keeffe fut mise à l’honneur au Centre Pompidou, co-éditeur du livre, de septembre à décembre 2021.
De son côté, la jeune Paulina Spucches, dont c’est le premier livre, dresse le portrait de Vivian Maier à partir de ses photos. Sans jamais montrer les originaux, elle livre son interprétation graphique de ses clichés et imagine le contexte dans lequel ils auraient pu être pris. De ce fait, elle en profite pour glisser des éléments biographiques de l’artiste, nourrice à temps plein et photographe dès qu’elle le peut. Elle n’hésite d’ailleurs pas à emmener les enfants dont elle a la charge lors de ses déambulations urbaines. C’est pendant les années qu’elle passera en France, entre ses 6 et 12 ans, que Vivian découvrira la photo grâce à sa tante. Cette passion qui ne s’éteindra jamais la mènera dans les rues de New York, certes, mais également dans plusieurs pays du monde, avant que son farouche désir d’indépendance ne la mène à la précarité dans laquelle elle finira sa vie. Il n’en reste pas moins qu’elle est aujourd’hui l’une des plus grandes photographes de rue du XXe siècle, mise actuellement à l’honneur au Musée du Luxembourg, et ce jusqu’au 16 janvier 2022.