Littérature étrangère

Paolo Cognetti

Sofia s’habille toujours en noir

photo libraire

Chronique de Florence Raut-Trouillard

Librairie La Libreria (Paris)

Trente ans de la vie d’une femme, trois décennies qui retracent le parcours de la tempétueuse Sofia et dont la plume amoureuse du jeune auteur milanais Paolo Cognetti restitue le charme troublant.

Où est Sofia ? On sent confusément au démarrage de ce magnifique roman que le narrateur est parti en quête de cette femme qu’il a connue, aimée sans doute. Sofia, future comédienne un peu punk, très insoumise, naît à Milan en 1977 dans une Italie qui vit les derniers feux du boom économique de l’après-guerre, tandis que grandissent désespoir et rébellion, qu’explosent les émeutes. Une période où s’achèvent bien des choses. Le contexte n’est pas anodin. Pour en parler, Cognetti campe de très beaux personnages autour de son héroïne. Les splendides pages consacrées au père, ingénieur chez Alfa Romeo, en disent plus sur le déclin industriel italien que bien des livres spécialisés. Au fil des dix chapitres, comme dix nouvelles autonomes et précises, toutes de retenue, de silence, de réticence, il trace délicatement le portrait de sa pirate toute de noir vêtue. Et le trouble que provoque cette figure féminine tient beaucoup à son mystère, à ces hors-champs remarquablement dosés par l’auteur. On regarde Sofia passer de l’enfance à l’âge adulte, partir beaucoup, s’installer parfois, disparaître et laisser son empreinte, profonde et durable.

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