Littérature étrangère

Sôseki

Rafales d’automne

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photo libraire

Chronique de Sandrine Maliver-Perrin

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Un inédit du japonais Sôseki (1867-1916), quelle joie ! Mais un inédit qui occupe une place à part dans son œuvre, puisque l’écrivain s’en prend aux riches, dans un texte percutant et terriblement contemporain.

« La société civilisée est un champ de bataille où l’on ne voit pas le sang couler. Vous devez vous préparer à faire face. Vous devez vous préparer à tomber. Ceux qui restent debout dans la rue de la vie avec pour seul but la réussite sont tous des escrocs. » Tout est dit. Car ces phrases ne sauraient mieux illustrer le propos de ce roman aussi audacieux en son temps, que subversif et politiquement incorrect. Un roman qui donne à réfléchir et laisse un goût amer, tant la réalité a dépassé ce que l’auteur pressentait déjà en 1908, date de parution du livre. Devin, Sôseki ? En tout cas, visionnaire. Sans doute doit-il se retourner dans sa tombe lorsqu’il voit ce qu’est devenu le monde capitaliste qu’il anticipait et redoutait déjà en ce début de xxe siècle. Deux jeunes gens, un fils de bonne famille plein d’assurance et un aspirant romancier à la santé fragile, sont amis depuis l’université. Ils font la connaissance d’un professeur excentrique nommé Shirai Dôya. Dôya le rebelle, l’érudit, l’homme de lettres, chassé pour insoumission de tous ses postes et décidé à faire entendre sa voix à Tokyo. Dôya le lucide, l’exclu, pour lequel la société capitaliste est une toile d’araignée qui piège les hommes et les pervertit. Des hommes attirés par la réussite, l’argent, ce maudit argent qui mène le monde, qui confère à ceux qui en ont un pouvoir illimité, non seulement sur les choses, mais aussi sur leurs semblables… Vous voulez en savoir plus ? Alors plongez-vous dans ce texte qui vous laissera sonné. Entre deux conversations polies, l’air de rien, Sôseki, double de Dôya, tisse son propos avec l’habileté, l’ironie et la maîtrise qu’on lui connaît, pour nous décrire, bien avant l’heure, le monde qui nous entoure. Et comme un tir en rafales, il nous touche en plein cœur.