Jeunesse

Mikaël Ollivier

Le Monde dans la main

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photo libraire

Chronique de Diane Maretheu

Maison d'édition L'Iconoclaste ()

Depuis Tout doit disparaître en 2007, on attendait le retour des adolescents de Mikaël Ollivier avec impatience. À l’occasion de la parution de son nouveau roman pour la jeunesse, Le Monde dans la main, Mikaël Ollivier répond à quelques questions.


Page : La famille est le thème central du Monde dans la main, c’était déjà le cas dans Frères de sang (Thierry Magnier, 2006) et d’autres de vos romans. Pourquoi ce sujet récurrent ?


Mikaël Ollivier : Plus qu’un roman pour les jeunes, Le Monde dans la main est un roman sur les jeunes, comme tous mes ouvrages dits « de littérature de jeunesse ». Des romans qui « regardent » le monde avec les yeux d’un jeune. Mes héros sont des enfants ou des adolescents, et à ces âges, qu’ils le veuillent ou non, la famille, les parents sont centraux ! Mon avancée personnelle dans l’âge adulte, dans la vie, m’a appris que la famille, celle dans laquelle on est né puis celle que l’on cherche à bâtir, occupe une part importante dans l’existence, pour le meilleur et pour le pire.


 

P. : C’est aussi un roman sur la transmission des secrets de famille. Qu’est-ce que vous aviez envie de dire aux adolescents à travers cela ?


M.O. : J’ai gardé un souvenir très vif de mon adolescence et de la manière dont je percevais les choses à cette époque, l’avenir, le monde des adultes vers lequel je me dirigeais… C’était une grande nébuleuse qui m’excitait tout autant qu’elle me faisait peur. Je crois que ce roman tente de dire aux adolescents que la vie est à la fois plus belle et plus difficile que ne le laissent deviner les choses dont se compose cette nébuleuse.


 

P. : La musique est un des passe-temps de Pierre, elle occupe une place importante dans le récit. Pourquoi ? Pourquoi la musique et pas le cinéma qui est une de vos passions, ou le sport… ?


M.O. : La musique compte beaucoup dans ma vie. Comme mon personnage, j’ai fait des études musicales poussées. C’était une enfance à part, bercée de musique classique, une enfance également très exigeante ponctuée chaque jour par des heures et des heures de piano. Mon enfance et mon adolescence ont été décalées par rapports aux autres adolescents, et j’ai voulu reproduire cela pour Pierre qui vit dans une bulle jusqu’à ce que celle-ci éclate par la force des choses, la force de la vie. Ce roman n’est pas autobiographique, l’origine sociale de la famille de mon héros n’a rien à voir avec la mienne. Cependant, je partage avec lui la musique et l’enfance à Versailles, où se déroule mon intrigue.


 

P. : Très vite après la disparition subite de sa mère, Pierre avoue qu’elle ne lui manque pas, que c’est plutôt l’ordre, le cadre qu’elle apportait qui lui manque. Il faut oser mettre en scène un personnage avec ce genre de sentiments. N’aviez-vous pas peur que vos lecteurs adolescents ne vous comprennent pas ?


M.O. : Je crois au contraire que c’est avec ce type de comportements très humains que l’on parvient à toucher les adolescents qui sont avides de vérité. Nous sommes tous traversés en permanence par des idées contradictoires, des sensations complexes, des émotions, des réactions, des prises de conscience dont nous ne sommes pas toujours fiers mais qui font notre humanité – laquelle n’a rien de politiquement correct. Que Pierre s’interroge sur l’amour qu’il porte à sa mère est pour moi une composante indispensable de mon personnage. C’est sa quête de vérité, et donc la mienne.


 

P. : Pourquoi ce titre, Le Monde dans la main ?

M.O. : C’est mon éditrice, Soazig Le Bail, qui m’a suggéré ce titre tiré d’un passage de mon texte, d’un moment clé où Pierre, le héros, qui a 16 ans, s’ouvre au monde grâce à l’amour et perçoit pour la première fois l’étendue des possibles qui se présentent à lui. Lui toujours si soucieux, réfléchi, anxieux, prudent, comprend que la vie a beaucoup à lui offrir s’il donne lui-même beaucoup en retour. Il comprend qu’il a le monde dans la main, à condition de ne pas avoir peur de se brûler.


 

P. : Déjà présent dans L’Alibi (Thierry Magnier, 2008), un thème revient, l’amour que l’on porte à ses parents : les aime-t-on pour ce qu’ils sont ou parce qu’ils ont toujours été là ? Avez-vous, vous-même, la réponse ?


M.O. : Je pense qu’au long de l’enfance, on aime ses parents pour ce qu’ils nous apportent et parce qu’ils ont toujours été là, parce qu’ils sont notre monde. L’amour d’un enfant est égoïste. Puis, grandir, c’est s’ouvrir à l’extérieur, et c’est aussi apprendre à voir ses parents comme des hommes et des femmes, et plus seulement comme un père et une mère. Devenir un homme ou une femme, c’est peut-être décider si nos parents méritent ou non notre amour.


 

P. : Le suspense est très bien ménagé : qu’est-il arrivé à la mère ? Où est Alix, la sœur de Pierre ? Le personnage de la tante est intriguant. Avez-vous pensé à en faire une adaptation cinématographique, comme ça a déjà été le cas pour Frères de sang par exemple ? Et, éventuellement, à réaliser vous-même cette adaptation ? 


M.O. : Plusieurs de mes romans ont été portés à l’écran, mais jamais je ne les ai écrits avec en tête l’idée d’une adaptation. J’ai essayé, dans celui-ci, avec le plus de vérité possible, par l’émotion et l’humour – pour moi un élément important du livre –, de faire glisser les lecteurs dans la peau de Pierre. Mais ce seront eux qui lui donneront vie. Si plus tard l’idée d’une adaptation fait surface, il sera temps d’y réfléchir.


 

P. : Inversons les rôles si vous voulez bien. Vous êtes libraire et devez vendre votre propre livre en quelques phrases à un parent venu chercher un roman pour son adolescent.

M.O. : La meilleure façon de s’assurer qu’un adolescent lise un livre ne serait-elle pas de lui interdire de le faire…