Bande dessinée

Philippe Geluck

L’Art et le Chat

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Chronique de Claire Rémy

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On le dit élitiste, inaccessible, inabordable… L’art fait pourtant partie de notre quotidien et attire. Prenant la voie de l’humour, le collectif roi de l’absurde Plonk & Replonk et Philippe Geluck accompagné de son célèbre Chat nous invitent à les suivre dans une redécouverte étonnante des chefs-d’œuvre de notre inconscient collectif.

Depuis quelques années, les éditeurs et leurs auteurs s’emploient à rendre l’approche de l’art ludique et simple, contribuant ainsi à son décloisonnement, en s’associant avec des musées ou en apportant un autre regard sur des œuvres que l’on croit connaître par cœur. C’est le cas de Philippe Geluck qui, au fil des pages de L’Art et le Chat, invite à suivre son incontournable félin à la redécouverte des plus grandes œuvres, de la mythologie à nos jours. Chaque double page montre, d’un côté l’original d’un tableau ou d’une sculpture accompagné d’une notice au contenu des plus sérieux, même si une pointe d’humour transparaît toujours un peu. De l’autre, l’œuvre est revue et corrigée par Geluck et son Chat, avec toute l’ironie mordante qu’on leur connaît. Si l’on sent toujours le respect et l’admiration du dessinateur pour les plus grands maîtres, il n’hésite pas, à travers les mots de son acolyte, à désacraliser les œuvres considérées comme centrale au sein de l’Histoire de l’art. Les dessins de Geluck en hommage aux artistes font actuellement l’objet d’une exposition au musée en Herbe à Paris. Dans un autre genre et surtout avec une autre approche, Plonk & Replonk proposent un parcours artistique loufoque intitulé L’Art d’en bas au musée d’Orsay, en partenariat avec l’institution du même nom. De la première à la dernière ligne de ce catalogue d’exposition, tout est inventé. Un certain Gontran Le Rubulfier aurait découvert en 1982 une étonnante collection : celle d’Hippolyte de L’Apnée, regroupant des tableaux en hommage aux grands maîtres, recelant à chaque fois un détail qui change tout. Pas assez consensuelle, cette collection aurait été cachée et oubliée pendant des années, et leurs auteurs laissés au rebut. Heureusement, elle est aujourd’hui sous nos yeux pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques… et de notre sens de l’observation, tant les ajouts drolatiques d’Hippolyte, alias Plonk & Replonk, sont parfois subtils, parfaitement intégrés dans le style de l’œuvre. Chaque tableau est accompagné d’un faux titre, d’un artiste imaginaire et d’une notice à l’absurdité hilarante. De plus, les références des peintures d’origine sont également mentionnées, ce qui donne envie d’aller plus loin en retrouvant lesdites peintures pour se rendre pleinement compte du changement et apprécier davantage encore l’humour du collectif suisse. Et découvrir ainsi, sans en avoir l’air, des œuvres et leur histoire. Cela étant, comme il en avait déjà été question dans Le Chien qui louche d’Étienne Davodeau (Futuropolis, 2013), ce bijou d’humour pose la question de la valeur des œuvres. Si les toiles d’Hippolyte étaient exposées, elles susciteraient peut-être l’interrogation des visiteurs, mais ne seraient probablement pas pour autant l’objet de critiques. Ces albums nous assurent en tout cas d’une chose : rien de mieux que de démythifier l’art pour en découvrir tout l’attrait.