Littérature française

Gringe

Ensemble, on aboie en silence

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photo libraire

Chronique de Clarence Reboul

Librairie Vivement dimanche - La Benjamine (Lyon)

Roman choral où s’entrelacent deux visions de la maladie : l’auteur et son frère schizophrène livrent des instantanés de leur vie. Ici, Gringe est un chevalier lumière qui tente de protéger son cadet.

On connaissait Gringe pour son mythique groupe de rap en collaboration avec Orelsan (les Casseurs Flowters), pour son album solo, pour ses talents d’acteur également (avec pas moins de cinq films à son compteur et la série Canal+ à succès Bloqués). Mais on n’avait pas encore eu la chance de rencontrer Gringe le prosateur, le romancier. C’est maintenant chose faite avec Ensemble, on aboie en silence qui paraît pour cette belle rentrée littéraire chez Harper Collins et quelle belle découverte ! On retrouve le style qui nous plaît tant chez cet artiste : les phrases courtes, tranchantes, souvent à vif, qui écorchent la langue et tentent de repousser toutes les limites. Une écriture souvent hallucinée, avec des descriptions de paysages désolés, arides et froids à la fois, de barres d’immeubles insalubres et habitées par ceux que l’on ne veut pas voir, d’hôpitaux peuplés de ceux que l’on appelle fous. Tout cela nous pousse à reconsidérer cette célèbre maxime de Jiddu Krishnamurti : « Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être bien adapté à une société malade. » Car Ensemble, on aboie en silence, c’est avant tout une histoire d’amour, de fraternité, de quête d’identité. C’est, en effet, le récit d’un jeune garçon qui entend des voix. Elles lui parlent, lui murmurent des choses qu’il ne peut partager avec les autres et lorsqu’il le fait, la sentence tombe : schizophrène. Dès lors, comment être le grand frère d’un jeune homme hors du commun, comment l’aider, l’accompagner et vivre ses déchirements qui ne peuvent rester qu’incompris ? Roman d’apprentissage, drame familial, comédie aussi parfois, ce sublime roman est décidément inclassable. On sort de cette lecture rassasié et secoué, plein d’espoir et inquiet, plus humain finalement. C’est, après tout, l’apanage de la grande littérature.