Bande dessinée

Pénélope Bagieu

Culottées

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photo libraire

Chronique de Anaïs Ballin

Librairie Les mots et les choses (Boulogne-Billancourt)

Concours de circonstances ou, on l’espère, véritable prise de conscience, le fait est : inégalités hommes-femmes et féminisme occupent le devant de la scène. Les livres, sous toutes leurs formes, n’y échappent pas, et l’on s’en réjouit.

Il y avait déjà la célèbre légende de la chaussette qui disparaît dans le tambour de la machine à laver, mais avez-vous déjà eu vent de celle de la chaussette qui ne rejoindra le panier à linge sale que si maman ou madame s’en charge ? C’est de cette observation que naît le brillant essai de Titiou Lecoq. Dans cet ouvrage, justement intitulé Libérées, le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale, la journaliste et romancière fait un constat simple : aussi féministe soit-elle, à la naissance de un, puis deux enfants, s’installe un certain déséquilibre dans la répartition des tâches dites ménagères et de tout ce qui a trait de près ou de loin, au foyer. Le ménage, les repas, le médecin, la gestion de l’école, par un étrange phénomène, tout, ou presque, semble naturellement devoir être pris en charge par la femme qu’elle est, malgré un compagnon somme toute plutôt aux antipodes du cliché machiste. C’est ce que l’on appelle la « charge mentale ». À coup d’études, de chiffres, de situations vécues et de recherches, Titiou Lecoq démontre à quel point la construction sociale du couple et de la parentalité donne lieu à une inégalité criante, loin d’être isolée. À la lecture, on rit, on approuve, on fulmine aussi, mais surtout on prend conscience de ses propres compromis, pour mieux les combattre. Dans cette difficile équation qu’est l’égalité homme-femme, l’Histoire et la culture sont sans aucun doute des armes de choix. Avant de construire une pensée féministe, il faut avant tout commencer par déconstruire celle qu’une société patriarcale encore bien installée nous impose. Alors, quels modèles trouver, sur quelles femmes, auteures, artistes, penseuses, philosophes, scientifiques, faire reposer les bases de cette réflexion ? C’est ce que tente de définir Laure Adler dans son Dictionnaire intime des femmes publié aux éditions Stock. Loin de se vouloir être un chemin tout tracé, cet ouvrage est, de son propre aveu, à la fois un dictionnaire et « (…) une sorte d’autobiographie. Dire qui l’on admire est inévitablement une forme de confession ». De Pina Bausch à Nan Goldin, de Simone Veil à Angela Davis, de Marguerite Duras à Sylvia Plath en passant par Louise Michel, Gisèle Halimi, Barbara, Cindy Sherman ou encore Karen Blixen, la journaliste fait un inventaire des femmes – et des hommes, puisqu’il y en a aussi – qui d’une manière où d’une autre ont compté dans son cheminement féministe. Une sorte de panthéon de figures tutélaires auxquelles il est fondamental de se raccrocher pour continuer de mener une bataille encore loin d’être gagnée, esquissant en même temps le portrait de celle dont la voix éclairante nous accompagne avec bonheur aux heures bleues de la nuit tombante. Sur une même lignée et cette fois-ci tant par la force des mots que du dessin, on se fait une joie de souligner la parution des Culottées de Pénélope Bagieu, dans un coffret réunissant les deux volumes initialement parus. Des portraits de femmes constituant une véritable mine d’or, une somme de destins plus incroyables les uns que les autres dans lesquels on se plonge avec une délectation non dissimulée.