Littérature française

Paul Fournel

Anquetil tout seul

illustration
photo libraire

Chronique de Géraldine Huchet

Pigiste ()

Façon de voyager ou instrument de course, le vélo est à la fête en littérature ! Deux textes très différents sortent juste avant le Tour de France : un récit sur Anquetil par un oulipien et un journal de voyage à vélo couché. 


Le vélo couché ? Mais qu’est donc cette fantaisie ? Tout simplement un engin inventé au début du xxe siècle, extrêmement confortable pour les voyages au long cours. Idéal donc pour les Courtet, qui ont décidé « de pouvoir cueillir [leur] rêve et de pouvoir le consommer ». Lequel rêve consiste à partir libres de leur petit village du Haut-Doubs pour rallier Téhéran en passant par la Croatie, le Monténégro et la Turquie. C’est un récit de voyage qui laisse rêveur : traversées de paysages grandioses, rencontres incroyables avec des habitants qui s’extasient face à ce couple voyageant sur ce drôle de vélo…, mais aussi, parfois, envie d’abandonner, caprices météorologiques, disputes conjugales, etc. L’auteure n’enjolive pas son merveilleux périple, mais retrace avec une plume sautillante et souvent drôle ses mésaventures et surtout les grandes joies ressenties : loin de la société de consommation, vivre de peu sans rendre de comptes. Juste en prendre plein les yeux et retranscrire – une fois rentré chez soi et avant de repartir pour un nouveau tronçon – les notes prises au quotidien pendant ces sept mois de voyage afin d’en faire un récit passionnant dont on attend la suite avec impatience.


Dans un tout autre genre, le court texte de Paul Fournel, passionné de sport et en particulier de la petite reine, est un enchantement. Nul besoin d’être un grand connaisseur d’Anquetil, cycliste de légende et éternel rival de Poulidor, pour apprécier le portrait très littéraire qu’en fait l’auteur. Grand styliste, il s’empare d’une légende solitaire, celle d’un champion prodigieux et néanmoins mal-aimé. À cause de son franc-parler, de son amour de l’argent, de ses aveux – notamment de s’être dopé et d’avoir « acheté » des coureurs… ? Sûrement. Fournel ne le nie pas. Au contraire, il émet des hypothèses, creuse, raconte ses souvenirs de gosse éperdu de vélo qui a réussi à voir quatre fois son idole. Un mythe capable d’exploits surhumains et qui « cachait ainsi un peu de la fibre dont sont tissés les rêves », ceux de l’auteur et des amoureux du vélo et de la littérature.